Page 2 : Marseille année 60
1 Traverse du prieur
Attention futur, les nostalgies ont la vie dure.
Dans les rues de mon enfance
il y a
Mireille et Renée, nos petites soeurs.
Dans la bande, nous les garçons,
nous les protégions
Il y a des coins secrets au sommet d'un escalier
Il y a nos sorties sur le vieux port.
Les bateaux sont nos aires de jeux.
Il y a l'école des filles, et les grands, les cacous.
Nous les craignions et nous les admirions.
Des slogans germent sur les murs de la Joliette,
l'ostracisme n'est jamais loin.
Dans les rues gronde la colère,
en Algérie la France est en guerre.
Ce soir, à la télé, De Gaulle va nous parler.
Dans dix ans l'Algérie ne sera plus Française
et Ben Bella ne sera plus là
Des clochards, au petit matin, dorment sur les trottoirs.
Aujourd'hui, s'ils n'ont pas de papiers, ils auront des cartons.
Pendant ce temps, le jour, je capturais des images
dans ce monde ou je vivais.
Marseille, Marseille années 60.
La nuit sur les grandes ondes, j'écoutais les Stones.
L'enfance terminée, l'internat est arrivé.
L'omnibus tôt le lundi matin.
Les banquettes en bois.
Le chahut organisé.
Les retrouvailles avant le lycée
Le soir, après l'étude,
je quitais le dortoir, pour te retrouver dans le couloir.
Le dimanche, dans les rues, je te photographiais.
Dans cet espace vide ou nos amours s'égarent nos rèves
n'avaient pas de fin.
Je garde de toi cette photographie
Tu t'éloignes et les ombres marquent cette distance qui nous séparera.
Puis vint le temps de l'armée, nous sommes séparés,
jamais retrouvés
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